Chez les Toubibs, de Gus Bofa, 2014.
A l’hôpital Begin, on annonce à André Salmon, mobilisé et victime de la fièvre scarlatine et d’une adénite cervicale triple. qu’il va être opéré par un professeur : « Le professeur était M. Capitan, n’ayant jamais exercé la médecine mais parvenu au grade de colonel, de période en période. Il était bien réellement professeur, mais professeur d’antiquités américaines au Collège de France. Il m’a raté, cela va de soi. (…) Peu après, je rentrais dans le civil, à titre temporaire, il est vrai. En son album des Toubibs, mon ami Gus Bofa prête ces fortes paroles à un médecin major auscultant un squelette : « Réforme temporaire; son cas peut s’améliorer. » (Souvenirs sans fin, Gallimard, 1956).
Gus Bofa fut, tout comme Chas Laborde gazé en 1916, victime de la guerre. Grièvement blessé aux jambes en décembre 1914, il refusa de se laisser amputer et subit, jusqu’en 1917, un long « chemin de la Croix Rouge ».
Les Editions Cornélius publient une édition revue et augmentée de Chez les Toubibs, un album à la fois autobiographique et satirique, jamais réédité depuis sa première parution en 1917. Roland Dorgelès y voyait une béquille lancée dans les jambes du Service de Santé. Et de fait Gus Bofa y dresse un tableau effrayant de l’état et du rôle de la médecine (militaire) dans les premiers mois de la Grande Guerre. Les toubibs s’efforcent de remettre en état le bétail humain pour le renvoyer à la boucherie. La vision de Bofa est aussi cruelle que lucide et les légendes des dessins frémissent d’une colère froide.
On trouve dans cette réédition longtemps espérée de nombreux inédits et notamment les crayonnés des dessins interdits par la censure.
Plus de détails sur cet ouvrage indispensable en ces temps de commémoration, chez Cornélius ici, sur le site de la revue Casemate là, et sur le blog consacré aux hôpitaux militaires durant la Grande Guerre là.